Né à Lausanne en 1859, Théophile Alexandre Steinlen se forme d’abord au dessin d’ornement industriel à Mulhouse. En 1881, il s’installe à Paris avec sa femme et rencontre à Montmatre Adolphe Willette et le groupe d’artistes rassemblé au nouveau cabaret du Chat Noir : Aristide Bruant, Charles Léandre, Felix Vallotton, Henri de Toulouse-Lautrec, Paul Verlaine. Steinlen peint et expose ses œuvres au Salon des Indépendants à partir de 1893, mais travaille essentiellement comme illustrateur. Outre Le Chat Noir, il collabore à de nombreuses revues satiriques comme L’Assiette au beurre, Le Chambard socialiste ou La Feuille, réalise des affiches pour le théâtre et illustre de nombreux livres et romans. Ses œuvres sont ainsi largement reproduites et diffusées, contribuent au renouvellement de la discipline et inspirent toute une génération d’artistes, dont Pablo Picasso. La démarche artistique de Steinlen est indissociable de son engagement politique. Comme Toulouse-Lautrec, il cherche à transcrire dans sa peinture et ses dessins une réalité sociale jusqu’ici restée à la marge de l’Histoire de l’art.
Dessiné au crayon bleu, ce portrait intense et mystérieux montre un homme aux traits exacerbés, sans être caricaturaux. Un corps de chat est esquissé de quelques coups de crayons sous le visage, donnant au modèle les attributs du Sphinx. Selon Claude Orset1, le portrait représente Walter, un travesti de Montmartre ayant souvent servi de modèle à Steinlen. Fréquentant cirques et cabarets, il incarne parfaitement la population bohème Montmartroise du tournant du siècle.