Né en 1823, Théodule Ribot vit une enfance et une jeunesse difficile dans l’Eure, avant d’arriver à Paris en 1845. Après avoir enchainé plusieurs petits métiers alimentaires, il finit par se former à la peinture dans l’atelier d’Auguste Glaize. Influencé par les maîtres espagnols du Siècle d’or et grand admirateur de Gustave Courbet, Ribot participe naturellement au courant réaliste émergeant à la fin des années 1850 dont il devient une figure majeure. En 1859, il participe avec Alphonse Legros, James Abbott McNeill Whistler, Henri Fantin-Latour ou encore Antoine Vollon à l’exposition organisée pour les refusés du Salon dans l’atelier de François Bonvin. Il expose finalement au Salon à partir de 1861 et s’impose avec ses « scènes de cuisine », remportant des critiques élogieuses. Ribot puise ses sujets dans son environnement – scènes d’intérieur, portraits et natures mortes – dans la plus pure tradition réaliste. Son art se caractérise par un emploi systématique du clair-obscur et un souci d’observation méticuleuse. Ribot est un dessinateur aussi talentueux que prolifique. Ses dessins, marqués par les gravures de Rembrandt, n’ont pas simplement vocation à préparer des peintures mais sont souvent des œuvres à part entière. À l’encre, à l’aquarelle, à la pierre noire ou au fusain, souvent dans de petits formats et d’une spontanéité remarquable, Ribot dessine pour « se reposer du tableau ».
L’artiste séjourne souvent en Normandie ou sur la côte bretonne où il peint des portraits de pêcheurs et produit quelques marines. Bien qu’à la marge de son œuvre, le thème de la mer occupe une partie de la production de Ribot. Il illustre notamment une édition des Travailleurs de la mer de Victor Hugo (1866). La tragédie romantique hugolienne mettant en scène des hommes accablés par les éléments et l’imprévisibilité de la mer marque profondément le peintre.
En 1878, Ribot écrit une nouvelle intitulée La Marie-Henry. Hot. 25 publiée dans le journal Le Temps la même année, puis dans La Revue illustrée en 1885 (ill. 1). La nouvelle retrace l’aventure des pêcheurs de La Marie-Henry, un bateau de pêche parmi les plus fameux du port de Trouville au début du 19e siècle. Après avoir quitté le port un dimanche accompagné de cinq marins, le capitaine Morieu et son équipage pêchent pendant trois jours au large des côtes anglaises. Pris dans une tempête à leur retour, les marins sont portés disparus. Au port de Trouville, les femmes et les enfants des pêcheurs attendent désespérément des nouvelles de leurs proches. Effrayés par l’écho d’une tempête et par l’arrivée sur le rivage de plusieurs débris de bateaux, les familles désespérées pensent leurs maris et leurs pères perdus à jamais. Au moment où l’espoir semble avoir définitivement disparu, la mère Morieu aperçoit son époux à cheval venant par la route d’Honfleur. Pris par la tempête, ils changèrent de cap et furent contraints d’amarrer au port du Havre d’où il partit immédiatement afin de venir rassurer les familles. Ribot se serait fait conter l’histoire par la mère Morieu alors qu’il peignait son portrait.
Nos deux dessins sont des illustrations pour la nouvelle, dessinées par Ribot en vue de sa publication dans La Revue illustrée en 1885 (ill. 1).
L’étude de voilier représente la Marie-Henry, identifiable à l’inscription « H. O. T. 25 » visible sur la voile du navire exceptionnel, selon Ribot, « par sa grande proportion, sa propreté et le souci que le patron avait mis à l’habiller ; des raies rouges et bleues avaient été délicatement peintes sur les flancs de ce petit navire ; et de vastes voiles, sur lesquelles on avait tracé à l’encre ces grosses lettre HOT 25, séchaient au soleil les jours de repos ».
L’étude de voile dans un coffre a trait à la conclusion de l’histoire : « Le pavillon de la Marie-Henry, H O T 25, a été conservé comme une précieuse relique dans le coffre de la bonne mère Morieu ». En revanche, cette jolie nature morte n’a pas été conservée lors de l’impression de la nouvelle.
Vendu
Théodule Ribot
1823–1891