Figure principale de la seconde génération d’artistes préraphaélites, Edward Burne-Jones est un des plus grands peintres anglais de la seconde moitié du XIXe siècle et un précurseur du symbolisme européen. Sa formation commence sur les bancs de l’université d’Oxford où il étudie la théologie. Il y rencontre William Morris, futur architecte, avec qui il rassemble un groupe d’amis réunis autour de leur passion pour la Poésie et le Moyen-Age. Ils lisent les écrits de John Ruskin, visitent églises et musées et se font appeler « The Brotherhood » (La confrérie). En 1857, Burne-Jones et Morris décident d’arrêter leurs études pour devenir artistes et se rapprochent de Dante-Gabriel Rossetti.
Si Burne-Jones reçoit des leçons informelles de Rossetti, il est essentiellement autodidacte. Il se consacre dans un premier temps au dessin et à l’aquarelle d’inspiration romantique et littéraire. En 1862, il entreprend un voyage en Italie déterminant avec John Ruskin. La confrontation avec les maitres de la Renaissance et de l’âge classique, l’influence de Rossetti et sa singularité personnelle lui permettent de développer son style. Mais la critique est sévère avec les premières œuvres de l’artiste qui sont décriées dans les années 1860. Burne-Jones redouble alors d’efforts tout en multipliant les voyages en Italie. Très influencé par Michel-Ange, il crée un univers poétique dédié à l’imaginaire en représentant des récits mythologiques et allégoriques. Cet art si singulier rencontre ses premiers succès au cours des années 1870 avant de définitivement triompher en 1877 – date à laquelle l’artiste prend part à la première exposition de la Govesnor Gallery qui achève sa consécration. Reconnu comme le plus grand artiste vivant de Grande-Bretagne dans les années 1880, son influence sur les artistes anglais de la fin du siècle sera considérable.
Ce succès est avant tout dû à sa qualité de dessinateur et de travailleur hors pair. Après les critiques subies dans les années 1860 concernant ses lacunes en dessin, Burne-Jones est déterminé à compenser son manque de formation académique. Il ne cesse de travailler et d’améliorer sa technique en s’exerçant continuellement au dessin. Il multiplie alors les études minutieuses de nus, de mains, de membres, de pieds et de draperies. Dans la plus pure tradition académique, il préparait ses tableaux par de nombreux dessins qu’il intégrait précisément dans les œuvres finales. Ces études étaient consignées dans ses carnets de poche dont notre dessin est certainement issu. Au format longiligne classique de ces livrets, notre étude de jambe fait partie des feuilles non signées qui en ont été retirées tant par l’artiste lui-même que par sa famille et ses collectionneurs.
L’étude de corps à la musculature et à la torsion très michelangelesque est archétypique du canon de Burne Jones. Le pied anguleux posé de travers soutient la jambe archée donnant une assise à la fois solide et aérienne à la figure représentée. Notre dessin est préparatoire à la figure de Saint-Michel dans le Jugement Dernier. Ce projet de vitrail, dessiné par Burne-Jones en 1874, sera mis en place par Morris & Co (la firme d’arts décoratifs crée par Burne-Jones et William Morris) en 1876 dans l’Eglise de Saint-Michel et de Sainte-Marie Madeleine à Easthampstead dans le Berkshire ; où Burne-Jones avait été baptisé.