Pierre Puvis de Chavannes est considéré comme l’un des précurseurs du symbolisme et l’un des pères de l’art moderne pour son influence sur les grands peintres du début du XXe siècle (Henri Matisse et Pablo Picasso entre autres). Dans sa jeunesse, il fréquente les ateliers d’Ary Scheffer, Thomas Couture et Eugène Delacroix à Paris. Il est également influencé par Théodore Chassériau et découvre l’art des primitifs à travers le classicisme d’Ingres. Il entreprend deux voyages successifs en Italie, en 1846 et 1848, au cours desquels il se familiarise avec les artistes florentins et vénitiens de la Renaissance. Il expose pour la première fois au Salon de 1859, un Retour de chasse qui retient l’attention de la critique. Il reçoit plusieurs commandes pour de grands cycles décoratifs dans lesquels il traduit des thèmes historiques et allégoriques dans un langage monumental. L’utilisation d’une gamme colorée restreinte, d’une facture maigre et d’une lumière égale et abstraite confère à ses compositions un caractère paisible.
Notre dessin est une étude préparatoire pour le décor de l’escalier du musée des Beaux-Arts de Rouen : Inter Artes et Naturam. Le sujet choisi est une allégorie de l’Art et de la Nature sous forme de pastorale avec la ville de Rouen en toile de fond. Contacté par la ville en 1883, Puvis commence à peindre cinq ans plus tard, en 1888, pour l’achever en 1890. Entre la commande et l’exécution du tableau, il dessine de nombreuses études préparatoires pour mûrir savamment sa composition. Puvis a pour habitude d’apporter de nombreuses modifications à ses figures qu’il dessine d’abord nues ; n’hésitant pas à leur faire changer de pose, de place et parfois de genre au gré des étapes de sa réflexion. Notre dessin est une première pensée non retenue pour la figure au second plan au centre, derrière un bloc de pierre. Le musée des Beaux-Arts de Lyon conserve une étude d’ensemble (ill.1) à la plume dans laquelle on retrouve au premier plan notre personnage campé dans la même attitude que dans notre dessin. Dans la composition finale, cette figure est reléguée à l’arrière-plan et voit le positionnement de ses bras modifié. Comme nous le signale Bertrand Puvis de Chavannes, notre dessin comme l’étude d’ensemble à la plume, datent de 1883–1884 juste après la commande. On retrouve en effet dans l’étude de composition des éléments (architecture et paysage) repris par l’artiste dans Le Bois sacré, décor peint en 1884 pour le musée lyonnais.
Techniquement, notre feuille est caractéristique du style graphique de Puvis dans les années 1880. Sa manière de dessiner s’épure progressivement au cours de sa vie : les figures fortement contournées présentent de moins en moins de détails, la lumière se résume à des blocs d’ombres et les visages sont de plus en plus suggérés. Ce synthétisme croissant est le résultat d’une vie de recherches. Puvis a toujours varié le style de ses dessins, passant sans difficulté d’une technique académique parfaitement maîtrisée à un modernisme poussé.