Après avoir étudié le droit, Pierre Bonnard entre à l'École des beaux-arts en 1889, mais préfère fréquenter les cours de l'Académie Julian. Il y rencontre les artistes Maurice Denis, Paul Ranson, Ker Xavier Roussel, Paul Sérusier, Félix Vallotton et Édouard Vuillard avec lesquels il se lie. Ensemble, ils forment le groupe des nabis, constitué à partir de 1888 autour de Sérusier, qui rapporte de Bretagne un tableau exécuté sous la direction de Paul Gauguin : le Paysage du Bois d'Amour, rebaptisé le Talisman par le groupe. En 1890, Bonnard découvre l'estampe japonaise lors d'une exposition à l'École des beaux-arts. Le choc est immense pour le jeune artiste - fasciné par l'abandon de la perspective et le cloisonnement des couleurs des gravures -, ce qui lui vaut d'être surnommé le « Nabi japonard » par le célèbre critique d'art Félix Fénéon. L'artiste se fait alors connaître en tant que dessinateur et illustrateur. Dans les années 1890, Bonnard réalise plusieurs projets publicitaires, participe à La Revue Blanche et illustre plusieurs éditions publiées par Ambroise Vollard. Il s'intéresse aux techniques modernes de gravure en couleur et à la chromolithographie, contribuant au renouveau de la pratique de l'estampe.
L'inclination de Bonnard pour l'art japonais le pousse à la simplification des formes pour accorder une place prépondérante aux volumes. La perspective devient secondaire, donnant lieu à certaines exagérations ou déformations des figures. Dans notre dessin, les silhouettes du fond se mêlent aux arbres, dans un mouvement rythmé par la torsion des patineurs. Le personnage penché au premier rang semble dicter l'agencement des figures dans un enchaînement presque musical, suscitant le dynamisme de la scène - accentué par le trait rapide du crayon.
Fasciné par le monde moderne, Bonnard tire ses sujets des scènes de rue et du quotidien parisien. Il représente l'activité des dernières années du XIXe siècle qu'il traite de manière innovante et originale. Le thème des patineurs a notamment occupé l'artiste à la fin des années 1890, lui inspirant la toile Palais des glaces ou Les Patineurs. Dans notre dessin dont l'action se tient en plein air, l'artiste a particulièrement soigné la composition. Plusieurs études dessinées réalisées vers 1897 montrent des patineurs en extérieur et présentent certaines figures visibles dans notre dessin. Notre feuille est en lien avec l'un des chefs-d'oeuvre graphique de l'artiste : Les Patineurs (ill. 1), récemment entré dans les collections du musée Van Gogh à Amsterdam. Par son trait vif et enlevé, notre dessin fait figure d'étude pour la composition des Patineurs, plus appliquée, chromatiquement compartimentée, évoquant un projet d'estampe ou de lithographie.