Né en Russie, Pavel Tchelitchev quitte sa terre natale pour Kiev après la révolution d'Octobre. Il y suit ses premiers cours de dessin avant de fuir l'Armée rouge et de se réfugier à Odessa, puis à Berlin, et enfin à Paris, en 1923. Installé dans la capitale française, il peut vivre de son art qu'il divise entre portraits et décors de théâtre. Il côtoie alors Gertrude Stein, Eugene Berman et Christian Bérard. En 1930, il quitte l'Europe pour les États-Unis et s'installe définitivement à New-York.
Son art, sans être complètement conforme aux principes du surréalisme, demeure toujours étrange, juxtaposant personnages imprécis et formes fantastiques, parfois inquiétant. Cette originalité est accompagnée d'une parfaite maîtrise technique et d'un dessin très précis inspiré des peintres de la Renaissance. Comme les maîtres, Tchelitchev dessine parfois à la pointe d'argent ou à la pointe d'or. Cette technique, particulièrement exigeante, consiste en une incision d'un papier préparé, généralement de couleur, à l'aide d'une pointe de métal, rendant toute correction impossible. L'utilisation de ce médium rare renforce l'univers féerique et singulier de l'artiste, à l'image de notre dessin.
Il s'agit d'un portrait d'Esmé O'Brien Hammond, fille de Peggy, et mère de Rosita dont Tchelitchev réalisa également les portraits. En 20 ans, l'artiste peint et dessine 3 générations d'O'Brien. Tchelitchev était l'intime de la famille qu'il rencontre par l'intermédiaire d'Alice de Lamar, son amie et mécène, qui accueille l'artiste dans un atelier aménagé dans sa maison à Weston en Floride, où réside également la famille O'Brien. Notre feuille est en relation avec un dessin reproduit dans le numéro de juillet 1941 de Harper's Bazaar représentant Esmé O'Brien en Jeune druidesse de la forêt (ill. 1).