Né dans une famille bourgeoise de l'Eure, Louis Anquetin manifeste dès l'enfance une passion pour le dessin et sa volonté de peindre. Il s'installe à Paris en 1882 où il est d'abord l'élève de Léon Bonnat avant d'entrer dans l'atelier libre de Fernand Cormon. Au cours des quatre années qu'il passe chez le maître, il fait la connaissance d'Henri de Toulouse-Lautrec, Émile Bernard et Vincent van Gogh. Ensemble, ils visitent le Louvre et découvrent les dernières innovations artistiques à la galerie Durand-Ruel. Les dix premières années de la carrière d'Anquetin (1883 - 1893) montrent une évolution stylistique constante, jalonnée de plusieurs périodes distinctes : réalisme, romantisme, impressionnisme, divisionnisme, linéarisme et expressionnisme - avant un retour au classicisme en 1892. Mais c'est l'invention du cloisonnisme en 1887 qui le rend célèbre et constitue son apport majeur à l'histoire de l'art. En mars 1887, Van Gogh, récemment arrivé à Paris, expose sa collection d'estampes japonaises au cabaret Le Tambourin situé Boulevard de Clichy. La visite de l'exposition est une révélation pour Anquetin. Influencé par cette découverte, et par l'art du vitrail médieval, il crée avec Émile Bernard, un nouveau procédé pictural : le cloisonnisme - une méthode consistant à cerner les formes d'un trait noir et à poser les couleurs en aplats. La technique inventée par les deux jeunes peintres a une portée considérable sur les artistes de l'époque, inspirant le synthétisme aux nabis, et marquant profondément Van Gogh.
Le cloisonnisme d'Anquetin est une expérience sensorielle, véhiculée par le chromatisme, qui se substitue à la perspective. Cette structuration en plans colorés est perceptible dans notre étude au fond vert clair duquel se détache l'animal aux teintes essentiellement noires. Datée de 1887, elle fait partie des rares oeuvres purement cloisonnistes laissées par l'artiste. Une vue d'atelier réalisée vers 1891 - 1892 (ill. 1) la montre entourée des plus grands chefs-d'oeuvres d'Anquetin. Une autre étude de cheval est d'ailleurs visible sur la photographie - les thèmes hippiques étant récurrents dans l'oeuvre d'Anquetin, cavalier chevronné, amateur de courses et de sports équestres. Notre pastel appartint à Charles-Louis Libaude, dit Louis Lormel (1869 - 1922), ami proche d'Émile Bernard et collectionneur qui posséda plusieurs oeuvres d'Anquetin. Il fut également rédacteur en chef de la revue L'Art Littéraire, commissaire-priseur, et galeriste - il organisa notamment la première exposition de Maurice Utrillo à la Galerie Blot.