Rare et singulier, l'œuvre de Juliette Roche a pu être redécouvert à travers l’exposition monographique itinérante qui lui a été consacrée entre 2021 et 2022 puis dans la vente de la collection de la Fondation Albert Gleizes (Artcurial, 2023) dans laquelle une cinquantaine de ses toiles étaient présentées. Élève des peintres académiques Edmond Brochard et Charles-Frédéric Lauth, Roche s’intéresse à l’art des nabis, en particulier Félix Vallotton qu’elle admire particulièrement. Roche côtoie très vite les grands artistes - peintres et écrivains - de son époque - Jean Cocteau, le couple Delaunay, les frères Duchamp, et surtout Albert Gleizes qu’elle épouse en 1915. Sa proximité avec les avant-gardes la pousse à exposer au Salon des Indépendants en 1906. Ses premières toiles s’apparentent au fauvisme mais s’en distinguent par une touche épaisse et une perspective écrasée. Dans les années 1910, Juliette Roche et Albert Gleizes fuient la guerre et s’installent à New-York, où ils fréquentent les dadaïstes Francis Picabia et Marcel Duchamp. Roche participe au mouvement Dada à travers un tableau (ill. 1) et deux ouvrages débutés à New-York et achevés à Paris : le florilège Demi-Cercle (1920) et la nouvelle La Minéralisation de Dudley Craving (1924). L’espace public et la trivialité du quotidien inspirent une grande partie de ses compositions.
En 1916, elle passe, avec son mari, plusieurs mois à Barcelone. La ville et ses habitants sont le sujet de plusieurs toiles constituant la série des Ramblas, dont notre tableau. Les Ramblas représentent des barcelonaises évoluant ou défilant dans les célèbres rues catalanes, parfois à la manière des bas-reliefs égyptiens (ill.2). Cette série témoigne de l’influence du cubisme sur son œuvre, notamment dans la décomposition des formes géométriques et la simplification des formes. Elle s’en distingue toutefois par la place qu’elle accorde à la couleur. La seconde moitié des années 1910 est la période la plus féconde de l’artiste. À partir des années 1920, elle revient à une figuration plus classique. En 1923, le couple se retire dans sa maison de Serrières en Ardèche, où il crée une coopérative artistique. Cet exil relatif, son aisance financière, les ruptures liées aux nombreux voyages pendant la guerre et la célébrité de son mari l’amènent à se tenir à l’écart du marché de l’art.
Vendu
Juliette Roche
1884–1980