Maître de l’aquarelle, William Turner trouve naturellement dans cette peinture le moyen d’exhaler sa maïeutique de l’eau à travers des marines puissantes, profondes et lumineuses.
Dans les années 1830 et 1840, Turner peint, sur des feuilles de papier bleu ou gris, certaines de ses esquisses à l'aquarelle les plus spontanées, mais aussi les plus novatrices. Relevant de ce corpus, notre œuvre est peinte sur un papier bleu fabriqué par la société Bally, Ellen et Steart, que Turner affectionne particulièrement. Elle se rattache en particulier à un groupe d'aquarelles des années 1840 répertoriées dans le catalogue raisonné d'Andrew Wilton sous les numéros 1382-13971. Rapidement exécutées et très éthérées, elles représentent principalement des sujets marins, dans lesquels les couleurs entremêlées expriment l'impression produite par le paysage. Peinte en plein air et sur le motif, notre aquarelle est archétypale de cette période.
Elle représente vraisemblablement la plage de Margate, dans le Kent, que l’artiste fréquente dans les années 1830-1840, pour échapper au bouillonnement londonien. Ses visites à Margate ont donné lieu à une multitude de croquis rapides, d'études aux couleurs vives et d'expérimentations picturales. La petite station balnéaire figure – comme Rome, Farnley, Petworth, Venise, le lac des Quatre-Cantons et le Rigi – parmi les lieux les plus emblématiques de l’œuvre de Turner.
Mais si l’artiste esquisse des figures sur la plage, ce sont la mer et le ciel qui dominent. Toute la force créatrice de Turner se concentre sur l'atmosphère, sur la puissance évocatrice de la nature. Son approche du paysage, notamment son travail sur la lumière, son choix des couleurs et sa liberté technique, anticipe l'impressionnisme. Saisissante de modernité, sa composition tend vers l’abstraction : seules quelques silhouettes presque translucides ancrent le sujet. La matière inonde la feuille.