Allemand, naturalisé Français, Henri Lehmann fut l’élève de Jean-Auguste-Dominique Ingres et le maître de nombreux artistes, parmi les plus innovants de leur génération : les symbolistes Edmond Aman-Jean et Alexandre Séon, mais surtout Georges Seurat.
En 1839, Lehmann, accompagné de Théodore Chassériau, quitte Paris pour rejoindre Ingres, alors directeur de la Villa Médicis, à Rome.
Il rentre en 1842 et entame une carrière officielle - il peint portraits et décors, religieux ou séculiers. Immédiatement après son retour, il reçoit la commande du décor d’une des chapelles de l’église Saint-Merri ; les autres sont confiés à François-Gabriel-Guillaume Lépaulle, Théodore Chassériau et Amaury-Duval.
Réalisées entre 1842 et 1844, les fresques de Lehmann se déploient sur trois parois : à gauche, La confession et La pénitence dominées par Le Baptême du Christ, à droite, la Descente du Saint-Esprit sur les Apôtres, et au centre L’Annonciation, surmontée par Les trois personnes de la Sainte Trinité.
« La première peinture murale que fit Lehmann fut la chapelle du Saint-Esprit à Saint Merri, travail remarquable, où les qualités essentielles de la peinture décorative sont scrupuleusement observées. Il sut avec un tact parfait, conservé de la peinture du XVe siècle, l’aspect un peu plat, comme un ornement qui ne détruit pas la surface du mur, sans se priver de toute la science moderne dans le dessin des figures »1.
Académique, Lehmann réalise de nombreuses études préparatoires à ses grandes compositions. Datés de 1842, ces deux portraits sont vraisemblablement des pensées non retenues pour le décor de Saint Merri : peut-être les visages de Dieu et du Christ, pour Les trois personnes de la Sainte Trinité, ou ceux d’« un prêtre dans la force de l’âge [...] d’un air sévère » et d’« un vieillard donnant l’absolution »2, pour La Confession et La Pénitence. Ce modèle sur fond or apparaît également, peint de profil, dans un second tableau de 1842 : Jérémie dictant ses prophéties, aujourd’hui conservé au musée des beaux-arts d’Angers, et pour lequel il réalise plusieurs esquisses.
Mais plus que de simples études, Lehmann peint ici, deux véritables têtes d’expressions, « mélange de force et de grâce, de dignité sans emphase »3.
De la tradition ingresque, Lehmann conserve la prééminence du dessin et une inclination pour le beau idéal. La force du coloris, la clarté iconographique et la fermeté du dessin caractérisent l’art de Lehmann, en particulier ses décors. Toutefois, ses penchants romantiques instillent dramaturgie et théâtralité. Depuis l’intensité des traits pieux jusqu’à l’acuité du regard mystique, depuis la maîtrise de la ligne jusqu’aux effets de tons et de lumières, Lehmann érige un dyptique puissant et pénétrant, conciliant les exigences du classicisme et l’exaltation romantique.