Figure du Montmartre de la fin du XIXe siècle, Frédéric-Auguste Cazals est poète, chansonnier, chroniqueur, dessinateur et illustrateur. Artiste autodidacte au langage singulier, il est surtout connu pour les portraits qu’il trace de ses compagnons ou amis dont Paul Verlaine est le plus fameux. Les deux hommes se rencontrent très tôt et nouent une indéfectible amitié, immortalisée par de nombreux portraits et représentations du poète jusque sur son lit de mort à l’hôpital Broussais en 1896. Par Verlaine, il fait la connaissance de tous les poètes et écrivains symbolistes dont Jean Moréas que Cazals dessinera fréquemment.
Poète d’expression française, ce fils d’un magistrat grec suit des études secondaires à Athènes puis en Allemagne où il mène une vie de bohème. Après plusieurs voyages en Italie et en France, il s’installe définitivement à Paris où il fréquente l’avant-garde littéraire. En 1886, c’est lui qui rédige le manifeste du symbolisme, publié dans Le Figaro où pour la première fois apparaît le nom du mouvement autour duquel de nombreux poètes vont se réunir. « Une nouvelle manifestation d’art était donc attendue, nécessaire, inévitable. (…) Nous avons déjà proposé la dénomination de symbolisme comme la seule capable de désigner raisonnablement la tendance actuelle de l’esprit créateur en art. Cette dénomination peut être maintenue. ». Véritable dandy, mû par la volonté de toujours suivre la tendance, il se détourne néanmoins rapidement du symbolisme pour fonder en 1892 l’École romane, qui veut rompre avec l’hermétisme, puis délaisse le romanisme pour le néo-classicisme. Célèbre et célébré de son vivant, son œuvre reste toutefois aujourd’hui à la marge de l’histoire de la littérature.
Au verso de notre dessin, on trouve une première esquisse de tête de Moréas, recouverte par l’artiste par des traces brunes pouvant s’apparenter à une chevelure. Dans le coin gauche, l’artiste a esquissé une caricature de chef d’orchestre accompagnée d’une inscription « Claude Terrasse ». Claude Terrasse (1867-1923) était un compositeur d’opéras et d’opérettes, qui dirigea notamment l’Opéra-Comique de Paris. Marié à la sœur de Pierre Bonnard, Andrée, il fréquenta de nombreux artistes dont Stéphane Mallarmé, Erik Satie et donc Jean Moréas. L’esquisse au verso, les petits croquis de figures dans les coins de la feuille et les traces d’essais d’aquarelle bordant la tête de Moréas attestent que notre feuille est une étude de composition. On connaît une autre feuille à l’aquarelle et à la gouache représentant la tête de Moréas avec le même monocle et la même couronne de lauriers. Il y est présenté déclamant des vers du poème À Jeanne, provenant du recueil de poèmes Autant en emporte le vent écrit par Moréas entre 1886 et 1887 : « Ah ! rions un peu pendant que l’heure / le souffre ; / Ah ! rions sur le bord / du gouffre… ». Cette deuxième feuille, datée 1907, est une version plus aboutie dont l’aspect monochrome atteste qu’il s’agit d’un carton préparatoire à une illustration.
Vendu
Frédéric-Auguste Cazals
1865–1941