« Allez voir sa Bataille de Nancy, et songez qu’il [Delacroix, ndlr] a dit une chose neuve et la seule dont nous ayons besoin . »
Signée et datée de 1831, exposée au Salon de 1834, La Bataille de Nancy (ill. 1) est la première commande officielle du roi de France Charles X à Delacroix afin de célébrer la première grande alliance des Lorrains et des Français. Le tableau est finalement offert par le roi au musée des Beaux-Arts de Nancy – où l’œuvre est toujours conservée – en souvenir de son séjour à Nancy en 1828.
Le tableau représente le dernier épisode des guerres de Bourgogne (1474–1477) : le 5 janvier 1477, le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, trouve la mort sous le coup de lance du chevalier de Bauzémont – scellant la victoire de Réné II, duc de Lorraine, allié de Louis XI.
« L’un des ouvrages les moins faibles que j’ai produits. »
Climax de la bataille, Delacroix représente Claude de Bauzémont s’apprêtant à porter le coup fatal au Téméraire sous le regard victorieux de René II. Dans le coin gauche, le duc de Bourgogne apparaît acculé : minimisant la puissance du Bourguignon, Delacroix magnifie le duc lorrain. Le tableau transcende la peinture d’Histoire et emprunte au répertoire du Romantisme – personnages saisis dans l’action, expressions horrifiées, paysage glacial, ciel menaçant, etc. Delacroix offre au spectateur une œuvre dont la « force silencieuse » – « où chaque image est chargée de signification » – « exprime la puissance de ce destin que dans sa course rien ne peux arrêter ».
Si Delacroix ne se rendit pas à Nancy pour préparer sa composition, sa correspondance fait néanmoins état de nombreuses recherches documentaires.
Delacroix travaille longuement à l’élaboration de sa composition – la vente après décès de l’atelier de l’artiste en 1864 révèle ainsi l’existence de neuf études préparatoires à La Bataille de Nancy . La majorité de ces études est aujourd’hui conservée dans des collections muséales : une esquisse à l’huile ainsi que trois dessins appartiennent à la Ny Carlsberg Glypotek à Copenhague, un dessin se trouve au musée des Beaux-Arts de Dijon. Enfin, un dessin équivalent, comparable figure dans les collections du Cabinet des dessins du musée du Louvre (RF. 9354).
Dans notre feuille – l’une des dernières études conservées en mains privées – le recto annonce la composition générale et semi-circulaire du tableau final. Le verso témoigne, lui, de la réflexion du peintre sur les poses individuelles de certaines figures, notamment Charles le Téméraire et René II. La reprise de certains détails de notre dessin suggère que sa vision de la composition était claire dès 1828, trois ans avant la finalisation du tableau.