Le modèle porte le costume des Souliotes, un groupe de chrétiens orthodoxes albanais qui s’opposa farouchement aux Turcs lors de la guerre d'indépendance grecque. Le poète britannique, Lord Byron, qui les employait comme gardes du corps personnels, posa dans leur habit traditionnel pour son célèbre portrait de 1813 par Thomas Phillips (Ambassade britannique, Grèce). Eugène Delacroix vit certainement l'une des nombreuses versions du portrait à Londres dans l’atelier de Phillips qu'il visita au cours de l'été 1825 avec Richard Parkes Bonington. Une gravure d'après le tableau de Phillips figurait dans l'une des ventes d'atelier posthumes de Bonington1.
À la fin de l'année 1825, un réfugié grec, le comte Demetrius de Palatiano – figure quasi byronienne –, posa dans l'atelier londonien de Delacroix en Souliote – la tenue fut vraisemblablement prêtée à Delacroix par l'artiste Jules Robert Auguste. Plusieurs artistes du cercle de Delacroix étaient présents : Bonington, Auguste mais aussi Alexandre-Marie Colin et Paul Huet qui réalisèrent des esquisses à la mine de plomb et des études à l'huile du grec. Delacroix exposa un portrait de Palatiano costumé au Salon de 1827 (Galerie nationale, Prague). Colin et Delacroix ont utilisé ces études de costumes dans des compositions byroniennes et philhellènes, tandis que Bonington en a revêtu les personnages secondaires de ses peintures vénitiennes ultérieures.
Les études de costumes de la séance de pose avec Palatiano se trouvent à la fin d'un carnet de croquis que Delacroix utilisa d’abord à Londres2. Les études à l'huile conservées au Louvre d'un modèle posant en costume souliote datent probablement de la même période3.
L’aquarelle présentée ici est l'un des nombreux sujets apparentés exécutés par Delacroix entre la venue de Palatino en 1825 et l'exposition philhelléniste organisée par la Galerie Lebrun à l’été-automne 18264. Une œuvre étroitement comparable, tant par son sujet que par sa technique, est conservée au Louvre : une aquarelle d’un Oriental, assis sur un divan, tenant un narghilé, que Maurice Sérullaz date d'environ 1824–18255 (ill. 1). Mais le mélange sophistiqué d'aquarelle, de gouache et de gomme arabique dans les deux exemples suggère plutôt l'influence de Bonington, qui travaillait dans l'atelier de Delacroix au printemps 18266.
Patrick Noon