La formation d’Ernest Laurent est d’abord académique, dans les ateliers d’Henri Lehmann et de Luc-Olivier Merson. Chez Lehmann, il rencontre Georges Seurat dont il devient un ami proche, ainsi que Edmond Aman-Jean et Alphonse Osbert. Ensemble, ils découvrent les expositions impressionnistes et décident de rompre avec la tradition académique. Seurat, Laurent et Aman-Jean quittent l’École des beaux-arts en 1879 et louent ensemble un atelier pour expérimenter leurs théories sur la division de la couleur, donnant naissance au néo-impressionnisme. Influencé par Seurat, Laurent épouse ses innovations picturales, peintes et dessinées. Il adopte ainsi la manière graphique « noire », jouant sur les frottements du fusain sur le papier pour créer de forts effets de clair-obscur. Les passages répètés et légers du crayon accrochent les aspérités du papier laissant apparaître le blanc de la feuille dans le creux. Il peut ainsi esquisser les formes et moduler les effets d’ombre et de lumière. Les figures se détachent alors avec mystère et force.
Ces dessins noirs des années 1880, dont le nôtre fait partie, constituent les plus belles feuilles du peintre. Comme l’indique l’inscription « Projet / Rome » en bas à droite, il s’agit d’une étude ou réflexion de l’artiste pour le concours du Prix de Rome, la figure n’apparaissant pas dans la composition finale ; Le Christ et le paralytique, qui lui permet de remporter le prix. Il séjourne ainsi à la Villa Médicis sous la direction de Jules Hébert, qui le ramène à une certaine forme d’académisme. À son retour, il expose au Salon de la Rose + Croix et se rapproche du symbolisme, peignant des femmes mélancoliques dans des paysages idéalisés. La suite de sa carrière est plus officielle : il peint de nombreux portraits et reçoit quelques commandes publiques.