Ambroise Duchemin
actualitésœuvrescataloguesà proposcontact
En vente

Sam Szafran

1934–2019

La Mort (Autoportrait)

1959
Fusain et pastel sur papier
620 x 480 mm
Signé, daté et titré en bas à droite : « La Mort / S. Szafran Mars / 59 »
Provenance :
Galerie Claude Bernard, Paris
Collection particulière

Sam Szafran, Samuel Berger de son vrai nom, naît en 1934 à Paris. Issu d'une famille immigrée, juive et polonaise, il est déporté dans le camp de Drancy à l'âge de 10 ans, il perd une grande partie de sa famille dans les camps de concentration. Après la Guerre, il vit quelques années à l'étranger avant de revenir à Paris en 1951, où il suit des cours du soir dans les écoles d'art parisiennes avant d'entrer à l'Académie de la Grande Chaumière en 1953. Lors de ses pérégrinations parisiennes à Montparnasse et à Saint-Germain-des-Prés, il rencontre de nombreux artistes, tels que Nicolas de Staël, Yves Klein et Jean Tinguely. Influencé par les oeuvres de Kurt Schwitters et de Jean Dubuffet, Szafran crée des premières toiles abstraites et techniquement sophistiquées, ainsi que de nombreux carnets de croquis d'études figuratives. Au début des années 1960, sa rencontre avec Alberto Giacometti - qui devient une figure tutélaire pour Szafran - et la découverte du pastel impactent profondément son travail et entraînent un renouveau artistique. À partir des années 1970, son oeuvre se focalise sur trois thèmes : les imprimeries, les escaliers et la végétation. Pendant la guerre, l'expérience de la séparation, du déracinement et de la perte représente une rupture irréversible dans l'existence jusqu'alors heureuse du jeune Szafran. L'importance du vitalisme dans son oeuvre trouve ainsi ses racines dans cette blessure : l'étude de l'organique permet à l'affliction d'être transcendée par la créativité et pousse Szafran à chercher le Beau dans les formes ordinaires de la nature. « Je n'ai pas envie de faire des cadavres, cela ne m'intéresse pas » : la réticence de Szafran à peindre la mort n'empêche pas l'artiste d'exprimer la finitude de l'homme, comme dans notre dessin - tracé par l'artiste à seulement 25 ans.

La figure émaciée, vision cauchemardesque surgissant d'un fond noir au fusain, partage certains des traits physionomiques du peintre : même front large, mêmes golfes dégarnis que dans son autoportrait réalisé également vers 1959 (ill. 1). Dans notre dessin, l'artiste se représente le visage sombre, aux traits osseux marqués, au regard vide et profond - noirceur contrastée par la veste de couleur bleu clair qui éclaire la feuille. La tête, légèrement tournée vers la gauche, regarde vers cette lumière, lueur d'espoir. Le vécu tramatique de Szafran fournit une clé de lecture poignante pour cette interprétation d'un memento mori (« souviens-toi que tu te meurs »), expression plastique de la vanité de l'existence, incarnée par des symboles tels que les squelettes ou les crânes. Si la formule emprunte au christianisme médiéval, le concept dépasse les époques, transcende les courants. Très populaire à la Renaissance, la tendance connaît notamment un regain d'intérêt dans la seconde moitié du XIXe siècle. Dans notre feuille, Szafran réinvente avec brio la codification esthétique du memento mori où le corps désincarné du peintre toise impérieusement le spectateur. L'artiste, comme momifié, devient symbole de l'inexorabilité de la mort en même temps que rappel de l'impératif de vivre.

Demander un renseignement