Ambroise Duchemin
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Ronan Barrot

1973–auj.

La Fouille, projet d’affiche pour le Festival d’Avignon

2017
Acrylique sur papier
210 x 142 cm

Né en 1973, formé à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris et à l’Université des Arts de Berlin, Ronan Barrot est un peintre français qui crée ses tableaux « à la toile », comme d’autres écrivent des spectacles « au plateau ». D’une obscurité pénétrante, ses œuvres rayonnent. Une nécessité de s’impliquer s’oppose à la banalisation des images passantes. On y trouve une densité et une durée proches du récit mythique. Habitées, comme leur titre, les toiles ouvrent un spectre de rumeurs : grande scène légendaire ou situation rencontrée cent fois ? Le trouble est tenu, il saisit – une nuance, une question, un geste. Ronan Barrot a dans le crâne toute l’histoire de la peinture, mais aussi toutes les images que la télévision, les journaux, la propagande publicitaire voudraient y imprimer. Et si « peindre, c’est se jeter dans la gueule du Louvre », c’est qu’il faut selon lui laisser venir dans un tableau les peintres qui s’invitent, les traits qui s’imposent, les phrases qui hantent.

Notre dessin est une étude préparatoire pour le tableau qui servit d’affiche au festival d’Avignon en 2017. L’artiste explique sa démarche :

« Il y a évidemment « les images auxquelles vous avez échappé », comme dans Charlie Hebdo, mais la question des papes est vite devenue centrale. J’ai d’abord hésité à casser les trois clefs. Beaucoup y voient les trois papes mais c’est bien pire : elles ouvrent un enfer – où beaucoup se trouveront -, un purgatoire – où sera la majorité -, et un paradis – pour certains. Je voulais signer que nous ne sommes que sur terre. Ensuite, selon moi, à Avignon, il fallait qu’il y ait l’idée d’un Christ et qu’il y ait une ambiguïté sur la valeur de la figure. Au départ, mon tableau montrait plus clairement qu’il s’agissait d’un agent de police mais le signe était trop net, comme un décor de théâtre un peu ringard. La vigueur ne vient pas des accessoires. Ce que j’aime dans cette version finale, c’est que non seulement l’ambiguïté de l’action est très grande mais elle n’est même plus genrée : certains y voient des femmes. Ensuite, lors de ma visite de l’église des Célestins, la crèche était encore en place et j’y ai vu le Ravi, ce santon qui lève les bras d’émerveillement devant la Nativité. J’ai été conforté dans l’idée de cette figure au bras en l’air parce que le Ravi est déjà double : c’est un fada, un simple, un idiot du village ; le ravissement renvoie à la fois à sa joie et à l’enlèvement de son esprit. De cette double idée d’un Christ et du Ravi, je suis revenu à une série déjà entamée autour des fouilles et je l’ai prolongée. Avant de faire cette boucle, je ne savais pas que ce serait celui-là. C’est en peignant que les idées viennent. C’est par le dessin que les trois jambes tout à coup apparaissent et qu’on en revient à la définition de la sculpture – qui repose sur trois pieds -, ce n’était pas prémédité. Ou encore : la contrainte du rouge, quand je l’ai intégrée, je ne l’avais pas prévu qu’elle jouerait aussi comme rideau et que le tableau s’éclairerait par derrière. On ne sait pas si ce n’est pas Yves Klein – qui aurait laissé son IKB (International Klein Blue) pour du rouge Barrot – qui va se jeter dans le vide et qu’on retient. Qui le retient ? Une figure maternelle ? Est-ce quelqu’un qui fouille, quelqu’un qui écoute… ? On ne sait pas si l’homme soigne ou tue, console ou exécute. Fouille, ce n’est pas que « la fouille » : c’est aussi impératif. La laxité du français permet de brouiller un titre simple en mettant la majuscule mais pas l’article. Il ne faut pas qu’un titre restreigne le spectateur à une seule lecture. C’est très pratique, le français ! S’il y a une décision, elle doit encore mener à l’extension du tableau et non au resserrement d’un sens ».

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