Édouard Dantan est le fils du sculpteur Antoine Laurent Dantan, dit Dantan l'Aîné, et le neveu du sculpteur et caricaturiste Jean-Pierre Dantan, dit Dantan le Jeune. À l'École des beaux-arts, où il est l'élève d'Henri Lehmann, le jeune peintre développe un intérêt particulier pour le dessin et pour l'observation réaliste. Dantan mène la vie d'un artiste bourgeois établi et expose régulièrement des scènes de genre au Salon de 1869 à 1897. S'écartant progressivement de sa formation académique, son oeuvre se tourne, comme il le révèle dans son Livre de raison, sur la représentation de l'intimité, du quotidien, des intérieurs d'ateliers d'artistes, des paysages de Villerville, de la vie maritime et du labeur des petits-gens de Saint-Cloud, où il s'installe en 1881. Mort prématurément en 1897, il laisse un oeuvre riche, dont une partie est acquise par l'État.
Notre feuille, de petit format, reprend la composition du tableau le plus célèbre et emblématique de l'artiste : Un Coin d'atelier. Le peintre représente son père, Dantan l'Aîné, dans son atelier, travaillant à la restauration d'un bas relief, L'Ivresse de Silène (1838). L'attention du modèle, nu assis, et du spectateur lui-même, est portée vers le sculpteur, de dos. Présentée au Salon de 1880 (ill. 1), la toile marque un tournant dans la carrière du peintre. Acheté par l'État, le tableau est exposé dès l'année suivante au musée du Luxembourg, lui permettant de rentrer à 32 ans seulement dans le prestigieux musée d'artistes vivants. Ayant grandi entre les ateliers de sculpture de son père et de son oncle, Dantan est fasciné depuis son plus jeune âge par l'idée de « multiplier les tableaux dans les tableaux ». Alors qu'il est en train de peindre un tableau très solennel représentant l'inauguration de l'école de médecine de Bordeaux, il écrit à un ami qu'il a trouvé « plus amusant » de s'atteler à une toile plus modeste ayant pour sujet son atelier. Pour Dantan, les ateliers sont l'émanation de l'enfance et l'incarnation de la passation artistique - lui qui s'installe dans l'atelier de son père peu après la mort de ce dernier en 1878. Notre feuille est un ricordo tracé fidèlement en souvenir du tableau. Elle révèle le talent graphique de l'artiste tout en offrant un témoignage précieux de la transmission familiale qui lie deux artistes, un fils et son père.