Ambroise Duchemin
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Vendu

Jean Hélion

1904–1987

Dans le miroir, Autoportrait

1964
Fusain et pastel sur papier bleu
50 x 65 cm
Monogrammé et daté en bas à droite : « JH / février / 64 »
Provenance :
Galerie Yvon Lambert, Paris
Exposition :
Hélion, 30 ans de dessins, Galerie Yvon Lambert, 4-24 décembre 1964
Bibliographie :
Hélion, 30 ans de dessins, Galerie Yvon Lambert, catalogue d’exposition, n°25, préface de Francis Ponge

De son vrai nom Jean Bichier, le futur Hélion grandit à Amiens, puis à Lille où il étudie la Chimie. Au cours de ses études, il s’intéresse aux formes et aux couleurs permettant d’aller au-delà du réel. De plus en plus sensible aux arts, il décide d’arrêter ses études et s’installe à Paris en 1921. Dans la capitale, il écrit des poèmes et travaille comme apprenti architecte, avant de se consacrer définitivement à la peinture. D’abord admirateur de Chaïm Soutine, il découvre l’art abstrait et le cubisme grâce à Otto Freundlinch et Joaquín Torres-Garciá. Les contours bien définis et les couleurs élémentaires de ses premières œuvres évoluent vers des formes abstraites dans les années 1930. Il rejoint alors le groupe d’Art Concret et s’impose comme un artiste abstrait de premier plan, ainsi qu’un critique et théoricien influent. Il étudie alors les écrits de Charles Baudelaire qui le poussent un modernisme dans lequel le caractère éphémère de la vie contemporaine se réconcilie avec l’intemporel et le géométrique.

En 1939, il abandonne officiellement l’abstraction et se tourne vers l’art figuratif. Après la Seconde Guerre mondiale, Hélion reprend les pinceaux en 1943 avec une série d’images dépersonnalisées d’hommes aux chapeaux. Il évolue progressivement vers un style plus naturaliste, sous l’influence de son ami Balthus. Il enrichit son répertoire de nouveaux sujets qui révèlent ses préoccupations, parfois, idiosyncratiques : des courges ouvertes en tranches, des chutes accidentelles, des parapluies, des scènes de rue, des représentations d’artistes et de modèles. Notre dessin témoigne de la fascination d’Hélion pour la relation entre l’artiste et son modèle, brouillant les frontières entre les deux interlocuteurs dans le cadre de cet autoportrait.

L’artiste s’est souvent représenté au cours de sa vie, adoptant les styles et concepts le préoccupant à chaque époque. Notre autoportrait, conceptuellement et psychologiquement unique, est remarquable à plusieurs niveaux. En effet, Hélion représente deux visions de lui-même, plutôt qu’une seule : deux visages de trois-quarts, dont le plus petit à droite semble incarner l’ombre du plus grand.
La première image, à gauche, est probablement la figuration du véritable reflet du peintre Dans le miroir. Des contours rigides et noirs définissent les principales caractéristiques du visage, et des hachures croisées désordonnées délimitent une représentation sommaire de son cou, de son front et de ses cheveux. Les lignes sombres, juxtaposées aux blanches, mettent en évidence la partie droite du visage et donnent une profondeur à son regard. Les contours sombres décrivent également ses rides, symboliques de son âge. Alors que l’autoportrait de gauche est sur un fond brun, créant une aura autour du visage, celui de droite est directement représenté sur le papier opaque. Les lignes audacieuses sont ici remplacées par des traits brumeux de fusain. Elles fournissent une représentation très approximative du visage qui fait écho à celui de gauche. Les yeux semblent fermés plutôt qu’ouverts, et les bords de la bouche pointent vers le bas plutôt que vers le haut comme dans le plus grand ‘reflet’. Le visage de droite, certainement plus sombre, semble cristalliser l’image que le peintre a de lui-même, plutôt que celle reflétée par le miroir : plus petite et plus intimiste. Le visage devient une réflexion, plutôt qu’un reflet, traduisant introspection et mélancolie. La forte charge psychologique et la polyvalence du dessin sont encore accentuées par la technique adoptée, qui résume parfaitement le style de l’artiste des années 1960 : un intérêt pour la représentation des figures combinée à une fascination pour les “formes et couleurs qui n’appartiennent pas à la réalité”.

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